ELLA MAE MORSE
La fille meuh-meuh
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ELLA MAE MORSE - pour vous, ce sera Mlle Morse - naquit le 12 septembre 1924 à Mansfield (Texas), un patelin situé un peu au sud de
Dallas. Sa mère était pianiste. Son père était batteur. Ses seins ne tardèrent pas à se développer. En dehors de ces maigres informations,
on ne sait pas grand-chose de l'enfance d'Ella Mae. Les seins épanouis avant même d'être allée au lycée, Mlle Morse fit ses débuts
au chant, à la fin des années trente, dans le groupe de jazz local dirigé par son père. Vers la fin de l'année 1938, Jimmy Dorsey, qui passait
par le Texas, l'entendit. Il fut si vivement impressionné par cette fille de quatorze ans aux belles jarretières et à la voix fière qu'il lui
offrit immédiatement un emploi de chanteuse soliste dans son orchestre.
Ella Mae partit alors en tournée avec le Jimmy Dorsey Orchestra en janvier 1939. Elle arriva jusqu'à l'hôtel New Yorker, où elle montra ses
jolies jambes à un photographe (on peut les admirer à la page 19 du numéro de Down beat paru en février 1939); et c'est là que, le
20 février, peut-être parce que la vision de ses jambes fut la seule chose que Dorsey put obtenir de la fille de quatorze ans, celle-ci fut
remplacée par Helen O'Connell, qui en avait dix-neuf.
Fin 1939, Freddie Slack, le légendaire pianiste de boogie-woogie, âgé de vingt-neuf ans, qui jouait avec Dorsey depuis 1937, quitta son
orchestre pour devenir arrangeur et pianiste dans celui de Will Bradley. Moins de deux ans plus tard, Slack laissa tomber le son des grands
orchestres pour former son propre groupe, le Freddie Slack Trio. En septembre 1941 et en janvier 1942, le trio enregistra avec Joe Turner
à Los Angeles. Peu après ces séances (d'où sortirent les joyaux de Turner que sont Goin' to Chicago - "Je vais à Chicago""- et Blues in the
night - "Blues dans la nuit"), Slack décida d'étoffer son groupe en lui adjoignant une chanteuse. C'est alors qu'il se souvint de
l'adolescente du Texas à la poitrine diabolique et à la voix de braise. Elle avait dix-sept ans.
Slack fut le premier artiste engagé par la nouvelle firme de Johnny Mercer, Capitol. Quand il arriva au studio de Los Angeles pour y
enregistrer, le 21 mai 1942, Ella Mae Morse était avec lui. Cette séance - la première d'Ella Mae - donna naissance au premier tube de
l'histoire des disques Capitol, Cow-cow boogie ("Meuh-meuh boogie"). Cette chanson avait été écrite l'année précédente par Gene De Paul,
Benny Carter et Don Raye. (Ce dernier était déjà l'auteur des classiques du boogie Down the road apiece - "Un peu plus bas en descendant
la rue" -, Rhumboogie et Beat me, daddy, eight to the bar - "Bats-moi, papa, huit coups par mesure".)
Cow-cow boogie sortit le 1er juillet 1942, entra au hit-parade en août et termina à la neuvième place. Ella Mae chanta cette chanson, avec
Freddie Slack au piano, dans un film de 1943 produit par la Columbia, Reveille with Beverly ("Réveil au son du clairon avec Beverly"),
comédie musicale où figuraient Count Basie, Duke Ellington, les Mills Brothers et Frank Sinatra. En août de cette même année, elle fit une
apparition dans un autre film, The Sky 's the limit ("Aussi haut que le ciel"), produit par RKO.
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Avant que Cow-cow boogie ne devienne un tube, Slack et Morse étaient retournés en studio, le 20 juillet. Durant cette séance, le groupe
enregistra de façon inattendue avec le légendaire guitariste noir T-Bone Walker. Une fois de plus, Slack et Morse accouchèrent d'un tube,
Mister Pive by Pive ("Mon sieur Cinq par Cinq"), qui entra dans le classement pop en décembre 1942 et atteignit la dixième place.
Ella Mae et Slack se séparèrent en 1943· Pendant les deux années suivantes, elle enregistra pour son propre compte, tout comme Slack,
chez Capitol. (On la vit aussi en 1944 dans deux films produits par Universal : South of Dixie - "Là-bas, dans le Sud" - et Ghost catchers -
"Chasseurs de fantômes".) Plusieurs des disques enregistrés par Ella Mae à cette époque étaient très chauds - Invitation to the blues
("Invitation au blues"), Patty cake man ("L'homme à la rondelle de viande hachée") Buzz me ("Fais moi vibrer") -, mais ne devinrent
pas des tubes. Le 12 février 1946, Morse et Slack enregistrèrent de nouveau ensemble, rejoints, cette fois, par l'insaisissable Don Raye
en personne. Le résultat fut l'un des disques les plus apocalyptiques de l'histoire de ce qui allait s'appeler, quelques années plus tard,
le rock'n'roll .
Ecrit par Raye et Slack, The House of blue lights ("La maison aux lumières bleues") s'ouvrait sur un dialogue entre Raye et Morse, parlant
à toute vitesse pendant que Slack martelait son piano derrière eux. C'est sans doute l'exemple le plus parfait de la conversation branchée
dans le style de l'époque.
-Well,whatcba say, baby ? You look as ready as Mr. Freddy this black. How 'bout you and me goin' spinnin'at the crack ?
- What 's that, homie ? If you think l'm goin' dancin' on a dime, your dock is tickin'on the wrong time."
- Weil,what's your pleasure, treasure ? You cal! the play, l'IJ dig the ways."
- Ay, daddy-o, l 'm not so crude as to drop my mood on a square from way- back. l'm there and have to dig life with father
and I mean Father Slack.
- Well, baby, your plate gives my weight a solid flip.You snap the whip, l'll make the trip.
-Alors, qu'est-ce que tu dis, chérie ? C'est chouette, t'as l'air aussi prête que m'sieur Freddy quand vient la nuit.
Ça te plairait qu'on aille prendre le frais ?"
-De quoi, de quoi, fils à papa? Si tu crois que je vais guincher pour trois sous, c'est que t'as vraiment pas les yeux en face des trous."
- Allez, c'est quoi qui te botte, lolotte ? T'as qu'à demander et, pour sûr, j'assure.
- Eh, oh, mollo, zigoto!"
-J'suis pas du genre à me laisser embarquer par le dernier plouc qui vient d'arriver. Une fille comme moi, ça obéit à son papa
et quand je dis papa, je parle du père ramolli.
- Ouah, poupée, rien que d'y penser, j'ai les membres qui se mettent à trembler. Claque du fouet, je serai ton jouet.
Ensuite, Ella Mae libre, blanche et âgée de vingt et un ans se mettait à chanter l'un des hymnes à la nuit les plus sexuels et les plus crus
qu'on eût jamais entendus. Le disque sortit chez Capitol le 1er avril 1946. Il entra, comme la plupart des disques de Morse, dans le
classement rhythm'n'blues, mais pas dans le classement pop. Ceux qui n'étaient pas au parfum purent mettre à jour leurs connaissances
en la regardant au cinéma dans le film How do you do ? ("Comment ça va ?"), sorti en septembre de cette même année et produit par
Young American Films , où elle chantait cette chanson.
Ella Mae Morse continua d'enregistrer chez Capitol en 1947 - avec notamment le grivois Pig foot Pete ("Pierrot pied-de cochon ") et
l'hilarant Pine Top Schwartz sans parvenir à décrocher un seul tube pop. Elle épousa un marin répondant au nom de Marvin Gerber,
s'installa à Palo Alto et engendra trois enfants.
On oublia bientôt "la fille du Meuh-meuh boogie".
Elle refit surface à l'automne 1951, où on l'entendit chanter dans les clubs de la Côte Ouest et enregistrer pour Capitol un curieux cocktail
musical, avec des chansons country telles que Tennessee Saturday night ("Samedi soir dans le Tennessee"), Asleepin' at the foot of the bed
("Endormie au pied du lit") ou Big Mamou ("Grand Mamou"), et des chansons rhythm'n'blues telles que Greyhound (Nom d'une célèbre compagnie
d'autocars de tourisme américaine dont le nom évoque les courses de lévriers pratiquées aux USA) ou Smack dab in the middle ("Un petit
coup juste au milieu"). Sa voix de femme au foyer en colère était aussi forte et sensuelle que par le passé , peut-être encore plus forte et
plus sensuelle , mais personne ne paraissait comprendre ce qu'elle était en train de faire.
En 1954, Capitol sortit son surprenant album Barrelhouse, boogie and the blues ("Bastringue, boogie et blues"), où elle interprétait à sa
façon plusieurs chansons récentes de rhythm'n'blues: Rock me all night long ("Secoue-moi toute la nuit") des Ravens -, Money honey
("De l'argent, chérie") des Drifters , I love you, yes I do ("Je t'aime, ça c'est sûr") de Bull Moose Jackson, Daddy, daddy ("Papa, papa") de
Ruth Brown, etc...... Son chant était magnifique, impitoyable: les mots "secoue-moi toute la nuit" sortaient de sa gorge d'une façon qui
n'était pas seulement suggestive, mais sublimement et ouvertement obscène. Malheureusement pour elle, le public ne commença
a apprécier ce genre de choses que l'année suivante, avec l'avènement d'Elvis.
Ella Mae disparut de nouveau quelques années plus tard, et Capitol sortit son dernier disque en 1957, alors qu'elle n'avait que trente-trois
ans. Nul n'en entendit plus parler jusqu'en 1976, quand elle revint se produire, pendant quelques soirées, dans des clubs de la région de
Los Angeles. Mais le temps avait fait son œuvre, et les vieux aficionados versaient des larmes amères en regardant cette dame fanée
chanter, debout sur la scène, Feelings ("Sentiments") et Send in the clowns ("Envoyez les clowns") des chansons sirupeuses des années 70.
La maison aux lumières bleues s'était définitivement éteinte."
Ella Mae racontait:
- On me dit que j 'ai été la première chanteuse à décrocher la timbale avec un seul disque [Cow-cow boogie] .Il s'est vendu à plus d'un
million, à ce qu'il paraît. Je n'ai pas touché de droits. Mec, ça m'a rapporté trente-cinq dollars. C'est pas la fin de tout, ça ?"
"Peut-être, ma fille aux belles jarretières; peut-être."
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7-Les oubliés du R'n'R "Ella Mae MORSE"
- hencot
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