MERRILL MOORE
Le cavalier qui secoue en rythme
MERRILL E. MOORE naquit à Algona, sur la rive droite de la rivière Des Moines, dans le nord de l'Iowa, le 26 septembre 1923.
Il commença à jouer du piano vers l'âge de sept ans, reprenant les mélodies des hymnes qu'il entendait à l'église méthodiste où ses
parents le traînaient le dimanche. Quand il eut huit ans, il fit ses débuts à la station de radio WHO.
Alors survint Mme Gunn, professeur de piano, une dame chic issue du conservatoire d'Oberlin (Ohio). Et ses nichons ?
S'attardaient-ils, chauds et pressants, sur la nuque du jeune Merrill, emplissant son âme tendre de l'enivrant alcool de leur parfum,
lorsqu'elle se penchait au-dessus de son épaule pour guider ses mains sur le clavier ? Monsieur Moore n'en fait nulle mention.
Nous pouvons néanmoins nous interroger sur les péchés qui auraient pu - je dis bien qui auraient pu -pousser une femme à s'enfuir
honteusement du conservatoire d'Oberlin, parcourant les étendues désolées et interminables de l'Indiana et de l'Illinois à la recherche
d'un sanctuaire profane à Algona (Iowa). Mais n'en disons pas plus sur cette femme, qui peut-être n'avait rien fait de mal.
Elle nous a quittés maintenant. Seul son Créateur peut la juger.
Au lycée, Merrill découvrit le boogie-woogie en écoutant les disques de Meade Lux Lewis, Albert Ammons, Pete Johnson et
Freddie Slack (qui jouait alors du piano dans l'orchestre de Will Bradley).
- C'est ces gars-là qui ont vraiment tracé ma voie, dit-il.
Après le lycée, Merrill s'engagea dans la Marine pour faire la guerre. Il battit les ennemis. En 1945, il se maria, partit s'installer à
Tucson (Arizona) et trouva un emploi de pianiste à l'hôtel Santa Rita. Trois ans plus tard, il partit pour San Diego. En jouant un mélange
de boogie-woogie et de western swing, il parvenait à travailler régulièrement avec divers groupes locaux. Mais ces deux genres
musicaux étaient à l'agonie. Bientôt ils furent complètement morts, même à San Diego.
En 1950, Merrill forma son propre groupe. Il ressemblait à un groupe de country : piano, guitare, basse, guitare steel, violon.
Mais il ne sonnait pas comme un groupe de country. Et tandis que Merrill continuait de marteler ses lignes de basse façon boogie-woogie
à la main gauche, la droite élaborait quelque chose de différent. Il ne savait pas vraiment comment appeler ce nouveau genre de musique
qu'il jouait, mais il avait trouvé un nom pour son groupe : The Saddle, Rock & Rhythm Boys - "les Cavaliers qui Secouent en Rythme"
(littéralement :"les Gars de la Selle, du Rock et du Rythme").
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Au début de l'année 1952, Ken Nelson engagea Merrill Moore et ses Cavaliers qui Secouent en Rythme chez Capitol. Le 12 mai 1952,
à Los Angeles, Merrill grava son premier disque.
Capitol ne sortit rien de lui avant l'hiver 1952, date où son enregistrement de Corrine, Corrina vit le jour. Sans jamais faire de tube,
Merrill continua d'enregistrer des disques chez Capitol, et Capitol continua de les sortir jusqu'en 1958.
Merrill enregistra quelques morceaux brûlants. Son Fly right boogie ("Le boogie du droit chemin'', de 1954) rappelait, à une vitesse
dangereusement accélérée, les mises en garde de son médecin à propos des conséquences d'une vie menée en tirant continuellement
sur la ficelle. Une autre de ses compositions, Buttermilk baby ("Poupée de babeurre", 1957), vantait les plaisirs que procurent les grosses
pouffiasses. Mais la plupart du temps, Merrill empruntait à d'autres sa matière première . Il retravailla des chansons country telles que
Bartender's blues ("Le blues du barman "), Barrel house Bessie ("Bessie du bastringue") et Snatchin' and grabbin' ("Saisir et attraper").
Il alla chercher dans le western swing She's gone ("Elle est partie") de Bob Wills et Doggie house boogie ("Le boogie de la niche à chien")
de Hank Thompson. Il s'amusa avec des classiques du boogie-woogie tels que Down the road apiece ("Un peu plus bas en descendant
la rue", 1940) et The House of blue lights ("La maison des lumières bleues'', 1946). Parfois il remontait encore plus loin, jusqu'à
King Porter stomp ("La danse du Roi Porter") de Jelly Roll Morton, Five foot two, eyes of blue , voire carrément jusqu'à Nola (1915) de
Felix Arndt.
Ses meilleures chansons, par exemple The House of blue lights (1953), Down the road apiece (1955) et Rock-Rockola (1955,
en hommage au jukebox Rockola), sont quelques-uns des morceaux de rockabilly les meilleurs et les plus bruyants qu'on puisse entendre
sur disque - un mariage de boogie hillbilly et de rhythm'n'blues resté insurpassé jusqu' à l'avènement de Jerry Lee Lewis.
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Même si Merrill, comme tout le monde, n'a entendu prononcer le mot rockabilly que vers 1954, il y avait de la fierté dans sa voix
grasseyante du Midwest quand il raconta :
-Du rockabilly, on en faisait bien avant que j'entende parler de Bill Haley. Je n'ai connu ce gars-là que plus tard. Mais on jouait déjà ça
en 1948, ouais, m'sieur : The House of blue lights, Down the road apiece, Red light. Et vous savez quoi ? on prenait un tas de chansons
de Hank Williams et on les secouait à coups de boogie-woogie. Ouais, m'sieur. -
The House of blue lights, Down the road apiece et Red light furent les trois disques de Merrill qui se vendirent le plus.
Mais pendant toutes ces années passées chez Capitol, il n'eut jamais un seul tube national et n'entra jamais dans la liste des meilleures
ventes. Capitol ne savait tout simplement ni comment le vendre, ni à qui.
-J'ai toujours pensé que mes disques étaient, pour ainsi dire, dans la mauvaise catégorie. Je n'ai jamais été country. J'étais plutôt
boogie-woogie et rockabilly, ce genre de trucs-là. Alors je pense qu'ils se sont un peu trompés de catégorie.
Après avoir été lâché par Capitol en 1958, Merrill Moore n'enregistra plus jusqu'en 1969, année où il grava un album sorti en
Grande-Bretagne par la firme BMC . (Comme la plupart des héros obscurs du rockabilly, Merrill est plus connu à l'étranger que dans
son propre pays. En 1967, la firme londonienne Ember fit paraître une anthologie de ses disques Capitol, Bellyful of blue thunder -
"Le ventre plein de tonnerre bleu" -, suivie d'une deuxième compilation intitulée Rough-house 88 - "Bagarre 88" - en 1969.)
"Quand j'ai rencontré Merrill, il se produisait encore régulièrement à San Diego, et voici l'une des premières choses qu'il me dit:
- On joue mieux ces trucs-là aujourd'hui qu'on ne le faisait à l'époque. Ouais, m 'sieur.
Comme nous l'apprennent les philosophes, la route qui mène d'Algona à San Diego est longue.
Mais maintenant que Merrill Moore l'a parcourue, il ne regarde pas en arrière.
Non, m'sieur.
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A suivre : Skeets Mc DONNALD
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18-Les oubliés du R'nR : " Merill Moore "
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